Seth ♦ Je suis fort parce que j'ai été faible.

Né de parents solitaires, Seth est l'unique survivant de sa portée. Son père avait de grandes ambitions. Seth ne les partageait pourtant pas. Cependant, dès son plus jeune âge, à peine eut-il pu se tenir sur ses pattes que son paternel le poussa à donner le meilleur de lui même et l'entraîna. Il était rude. Dès que le petit faisait un pas de travers, les dents aiguisées traversaient sa fine peau. Sa mère aurait dû le protéger. Mais sa mère en subissait autant que lui, si pas plus. Violentée, des plaies sanguinolentes maculaient son pelage d'un blanc pur... La belle ne pouvait rien faire contre le grand loup brun sombre, deux fois plus gros qu'elle. Elle n'avait pas la force de se rebeller... Et tous les deux subissaient la violence du mâle.

Seth grandissait de jour en jour. Et plus il grandissait plus le mâle devenait rude avec lui. « Tiens-toi droit ! », « Ne fais pas ça ! », « Pas comme ça ! », « Tu es nul ! », « Un idiot ! », « Qu'ai-je fait pour avoir un fils pareil ! », « Bon à rien ! », « Tu n'auras jamais aucun avenir ! », « Les meutes, je les renverserai tout seul ! » étaient ses mots et ses injures. Et le jeune en était de plus en plus profondément blessé. Il le croyait. Il croyait qu'il était nul, bon à rien et qu'il n'aurait jamais aucun avenir. Et sa mère ne faisait rien pour le consoler sinon lui lancer un regard compatissant et plein d'amour et d'espoir... Mais plus il grandissait plus il se renfermait sur lui-même. Il prenait du muscle, il devenait fort. Les combats avec son père prenaient des issues de plus en plus facilement incertaines. Leurs forces s'égalaient lentement. Un jour, il le plaqua au sol. Il lui fit mordre la poussière. Et lorsque Seth vit l'étincelle de fierté dans les yeux de sa mère, il en fut ravi. Mais plus encore ce fut l'éclat d'espoir fugace qu'il rencontra dans les prunelles bleues qui le décida. Il la sauverait. Il la sortirait de là. Mais pas tout de suite. Il devait encore grandir pour savourer sa victoire.

Sa haine grandissait dans son coeur meurtri par les coups de dents et la vue de sa mère frôlant toujours plus souvent la mort. Le mâle sentait la rébellion arriver. Il devenait de plus en plus violent. Il espérait ainsi dissuader le jeune Seth. Mais plus il devenait violent, plus la haine grandissait.

Et un jour elle éclata. Simplement. Il bondit, griffes et crocs en avant, dans un horrible hurlement de fureur. Une fureur glaciale. Sourde. De celles qui vous glace le sang. De celle qui vous pousse à tuer des dizaines de personnes sans les différencier les unes des autres. Seth tua son père. Simplement. Et il le déchiqueta tant et si bien que son corps se retrouva éparpillé aux quatre coins de la clairière. Mais même sa mort n'a pas émoussé sa haine. Il avait besoin de plus, de se venger, de meurtrir un coeur et blesser un petit corps fragile comme on l'avait fait avec lui. Et je ne vous conterai pas le carnage qui se produisit cette nuit-là dans les bois. Les écureuils et les lapins en témoigneront pour la mort de leurs congénères. Mais quand Seth revint au matin, d'une humeur massacrante mais apaisée, sa mère était encore blottie au fond de la grotte, morte de peur. Elle n'avait pas bougé d'un poil.

« Nous sommes libres à présent, Mère. » Déclara-t-il.

Mais sa mère ne lui adressa qu'un regard effrayé. D'une terreur sans nom. Un regard où se répétait en boucle tous les massacres de la nuit. Un regard déjà mort... Car elle s'éteignit un instant à peine après en secouant doucement la tête, désolée pour Seth qui devenait peu à peu ce que son père attendait de lui. Et la colère laissa place à une tristesse folle. De celle qui vous déchire la poitrine au point que vous croyez mourir cent fois en une seule seconde... Mais cette douleur lui apprit que la colère, la haine, tout ce genre de sentiment ne conduisait nul part sinon à la solitude et à la déception de ceux qui vous côtoient. Alors Seth changea. Il devint lentement, très lentement ce qu'il est aujourd'hui. Au fil des ans et des dernières larmes qui séchaient sur ses joues, il devint calme et presque pacifique. Il devint celui que personne ne pourrait plus jamais influencer comme son père l'avait fait. Il devint simplement ce qu'il était destiné à devenir... Et si à présent la tristesse et la douleur n’imprègnent son regard que s'il repense au passé, la colère qu'il éprouve envers les loups violents ne l'a pas quitté. Il la garde seulement pour lui.

Sachez également que, depuis la mort de ses parents, il a passé beaucoup de temps à observer les autres loups. Il ne les a jamais approché, il est toujours resté seul à simplement les regarder. Il avait bien trop peur de leur faire du mal ou de leur déplaire. Mais il trouvait leurs personnalités et la diversités de ces êtres fascinantes, alors pourquoi s'en priver ? Pourtant, seule la solitude semble le contenter. Alors il erre, il chemine en silence, seul, apaisé, serein. Enfin.

Seth, il est calme. Paisible. Il est rare de le voir hausser la voix et plus encore de le voir engager volontairement le combat. Il observe, il analyse, il essaie de trouver comment apaiser les choses sans en venir aux crocs. Seth, c'est le genre à rester en retrait et à vous observer en silence pour apprendre à vous connaître à travers vos actes. Car les actes ne mentent pas et il le sait. Pourtant, il n'est pas dénué de bon sens, et si quelqu'un le cherche, il finira par le trouver s'il cherche suffisamment. Il n'est pas idiot non plus, si on l'attaque, il se défendra. Et il se défendra bien. Très bien même. Car il mêle rapidité, agilité et force. Il a grandit ainsi, Seth. Il a appris à se battre et à ne jamais céder une seule parcelle de terrain à son adversaire. Mais le combat ne l'intéresse pas. Rien ne vaut le silence et la sérénité. Il possède pourtant un trait de caractère qui ne s'est pas estompé comme les autres : le sens de l'honneur. Il ne s'enfuira jamais en cas de combat. Pas sans revenir venger son honneur du moins. Pourtant, il ne considère pas les fuyards comme sans honneur, car il ne juge pas les autres loups. Mais il ne se permet pas de courber l'échine. Il ne l'a déjà que trop courbée. Alors il fera face. Jusqu'à son dernier souffle.

Ce qu'il faut savoir de Seth, aussi, c'est qu'il est aimable et courtois. Il ne hausse jamais la voix, mais en plus, ses paroles ne sont jamais impolies. Du moins dans la mesure du possible, car on ne sait jamais comment l'autre peut interpréter ses mots. Il est protecteur, aussi, et n'hésite pas à soutenir quelqu'un dans le besoin. Mais malgré toute l'aide qu'il peut apporter, Seth continue d'avoir une certaine retenue, une distance qu'il s'impose face aux autres... Il n'hésite pas à protéger les plus faibles mais il n'ira jamais lécher leurs plaies, par exemple. Lorsque son devoir aura été accompli, il lancera un regard de biais à la louve ou le louveteau puis s'en ira sans un mot. Il n'y a rien à dire. Au mieux, il ira chercher quelqu'un de votre meute, mais ce sera tout. Il reste distant et relativement silencieux, parce qu'il ne sait pas se comporter avec les autres. Il a préféré l'observation aux relations, ainsi il en saura toujours plus sur vous que vous n'en apprendrez sur lui. Parler de lui ne l'intéresse pas. Il n'a aucune qualité, de toute façon... Et rien de très intéressant à vous dévoiler. Le silence lui va bien. Il lui convient.

Seth, il est sauvage. Libre. Et ça se voit. Dans ses iris bruns dansent mille reflets fauves comme les flammes d'un incendie ravageur ou comme la danse des feuilles automnales. Ils se mêlent, s'entremêlent, se poussent et se repoussent, et pourtant, on y perçoit un calme serein, pacifique. C'est comme le doux va et vient des vagues, lent, apaisant. Comme le ballet paisible de la neige en hiver. Il ne semble jamais y avoir un coup de vent pour les déstabiliser, jamais une force suffisamment puissante. Comme s'ils possédaient leur propre volonté. Seth, il est calme, mais sauvage. Ses yeux sont le reflet d'une âme libre et indomptable. Malgré sa sérénité, il n'est pas faible et menu, loin de là. Il possède une bonne carrure, des membres longs et bien musclés, tantôt taillés pour la vitesse, tantôt pour le combat. Son pelage est épais, soyeux. En été, il lui donne très chaud mais il sait y remédier. Il a appris. Il a grandi. Il est magnifique, aussi. C'est la beauté sauvage. Magnifique. La plus naturelle qui soit. Son pelage arbore des couleurs tantôt noires, tantôt grises, sables, beige ou bruns... Son dos est foncé et plus on se rapproche de ses coussinets, plus il est clair... Il n'a pas une couleur facile à décrire. Il faut le voir pour se le représenter... Pour couronner le tout, ses déplacements possèdent une grâce impressionnante. Ce n'est pas le genre de grâce qu'on a voulu obtenir, non. C'est la grâce sauvage, naturelle, innée que la forêt vous a offert. Vous l'avez, ou vous ne l'avez pas. Mais pour Seth, elle lui va à merveille. Il a lentement appris à... non pas l'apprivoiser, mais plutôt à la complimenter et la caresser dans le sens du poil, sans jamais élever la voix contre elle... Elle a simplement fait de lui un compagnon de route de premier choix. Il n'a rien fait pour la posséder, elle a juste choisi de le suivre. Et Seth n'en semble que plus... princier ? Probablement. Mais il n'en a pas conscience. Il ne se préoccupe pas vraiment des apparences...